jeudi 8 juin 2017

FARREL



FARREL
Tasting the shame, hoping to get lost
 Je le confesse, je ne connaissais Joseph FARREL ni d’Eve ni d’Adam.  Je l’avoue, je ne me suis jamais trop intéressé à la bande dessinée érotique ou pornographique. L’enthousiasme de l’auteur de ce « beau » livre (formellement de prime abord) a piqué ma curiosité. Les quelques dessins, entrevus partiellement pour cause de pudibonderie totalitaire des réseaux sociaux,  ont éveillé en moi une curiosité grandissante, tel un boulimique face à de la pâtisserie fraiche  il me fallait dévorer (des yeux) cet ouvrage. Le 15 mars dernier, je rencontrais Christophe BIER, à la fois auteur et éditeur de Farrel pour en faire l’acquisition.  Ce titre, Farrel, court, abrupt et incisif augurait d’un contenu bien plus subversif et sulfureux. Cet achat, au domicile du Dr BIER, permettait à la fois de limiter au maximum les intermédiaires et de m’entretenir  avec lui de la genèse de ce livre. Christophe BIER me raconta ce jour-là sa grande fierté d’avoir édité cet artbook, à ses yeux, sa plus belle publication et de sa mise en exergue de l’œuvre de Joseph FARRELL, il m’exprima son contentement du résultat sur le fond et la forme. Il faut dire que les textes signés Dominique FORMA et Christophe BIER cernent la personnalité et  le parcours de ce personnage marginal et mystérieux et argumentent autour d’un corpus et d’une projection en chapitres (« Tu enfanteras dans la douleur », « Meubles en Formica », « La mariée était trop laide », etc.) sur la production de ce dessinateur. Corolaire des images fascinantes, les textes traversent les dessins et prolongent leurs répercussions dans nos imaginaires. Je ne suis pas sorti indemne de la lecture de Farrel,  à la fois captivé, interloqué, excité, bouleversé et dérangé par des tableaux explicites. Farrell a un don : celui de rendre la souffrance prégnante, d’exprimer explicitement la douleur en quelques coups de crayons, de faire ressentir le moindre frisson extatique. Certains dessins arrêtent la course du temps, nous y plongeons tel Narcisse dans son reflet, comme irrémédiablement attirés, inexorablement envahis de sentiments antagonistes, figés dans l’observation méticuleuse des détails les plus troublants. Je suis resté parfois de longues minutes  dans la contemplation d’un visage meurtri, d’un sexe outragé, d’une poitrine transpercée ou compressée. L’artiste repousse les limites de la perversité et nous transforme (malgré nous mais également avec notre complicité, c’est l’une de ses forces) en voyeurs. Il ne se soucie ni des tabous ni de la morale, s’affranchissant des codes et de l’endoctriment sociétal. A une époque où la pire des censures, l’autocensure, gagne chaque jour du terrain et nous renferme les uns et les autres dans des modèles de plus en plus exigus, cloisonnant notre liberté, l’édition d’un tel livre nous prouve que dans la noirceur la plus ténébreuse nait la plus insoumise des libertés créatives. Plus de 200 dessins, en grande partie inédits ou reproduits d’après des originaux agrémentent ce recueil d’environ 200 pages. Un achat indispensable.
Didier LEFEVRE
FARREL, Textes de Christophe BIER ET Dominique FORMA, Christophe Bier Editions, 2017. 70 euros.
Tirage limité à 600 exemplaires



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